C'est l'histoire d'une fille, elle... ▬ Marion

Je me perds ici. Chercher mon bunker comme une pauvre paumée, là, toute seule, égarée au milieu de je-ne-sais-où, c'est tellement ma nature. Mon poing se pose sur ma paupière, la frotte, je retiens un baillement. C'est fatiguant, arriver, ne pas savoir où ont a vriament atterri, ne connaitre personne. Enfin, ce n'est pas ce qu'elle demande, des nouvelles rencontres. Juste... C'est frustrant de se sentir bonne-à-rien. C'est frustrant de se sentir incomprise aux yeux des autres. En fait, des critiques, des observations arrogantes, je m'en fiche, mais c'est mon amour-propre qui est touché. Parce que j'en ai un, même s'il est bien caché. Mon égo aussi, assez gros par rapport à ce que je vaux vraiment.

Je glisse mes doigts sur la clanche. Brillante, avec de petites traces marrons çà et là. Puis je la baisse, et docilement, cette dernière autorise donc la porte à s'ouvrir. Les grincements m'épargnent pas, et je devine que la mécanique n'a pas été changée depuis longtemps. Pièce vide, mes lèvres restent scellées devant cette chambre, déserte, face à moi. Pas un bruit, aucune âme n'est ici, apparemment. Je la referme, le plus doucement possible, mon regard parcourt mon environnement, je mémorise tout ce je vois. Des vêtements en vrac. Je sais que je ne suis pas la seule dans ce bunker, mais bon, mes colocataires ne sont pas encore arrivés. Je peux me reposer, pour le moment.
M'asseyant sur un lit, je tripote la couverture, les mains tremblantes, je suis nerveuse. Et quand j'entends des pas délicats, je sursaute. Un peu. C'est décevant d'espérer être seule pendant une durée indéterminée et de se rendre compte que finalement, je vais devoir supporter d'être en compagnie de quelqu'un. Au mieux, c'est une fille dérangée qui ne pipe un mot, au pire, c'est une véritable pipelette qui va à cent à l'heure vocalement parlant.

Y'a quelqu'un? je m'écrie, vacillante.

Donc, je suis censée être contente de voir une fille à moitié à poils débarquer, là, lèvres scellées, et me fixer sans émotions au fin fond de ses prunelles? Elle aurait pu se couvrir, les images pornos, ce n'est pas trop les friandises que j'aime. En tout cas pas quand c'est une nana qui orchestre lesdites images. Je la regarde aussi. Je l'affronte, plutôt. Cette impression d'être indésirable s'installe. Après tout, j'ai été assignée à ce bunker, alors j'ai autant ma place qu'elle. Ma colocataire, je suppose. Sauf dans le cas où certaines douches sont en panne dans les bunkers voisins et que cette... Fille, a décidé de squatter cette salle de bain.
Je fais jouer mes doigts sur le draps de la couchette, me balance d'avant en arrière, ma tête basculant en même temps et me permettant d'avoir une vue d'ensemble sur le plafond. Propre, immaculé. Ennuyeux. Tout comme moi, tout comme l'être en face de moi. On fait une sacrée équipe, tous les trois. Manque plus qu'une petite musique au piano et on est dans l'ambiance qui n'en est pas une. Enfin, ça me va. Quand j'étais petite, j'avais le droit tous les soirs aux batailles d'oreillers et autres objets pour dormir qui volaient dans la chambre et s'écrasaient sur ma tronche. Je suis devenue allergique à ces sortes de fêtes du polochon. Bien évidemment, les lampes n'y échappaient pas non plus et tombaient par-terre.
Je pose mes pieds sur le sol, prends appui sur le matelas pour me lever, je m'étire lentement.
Bonsoir, en qui ai-je l'honneur?
Trop de politesse tue la politesse, c'est évident pourtant je ne peux pas m'empêcher de me torturer à en faire.

Elle me fixe. Je suis si intéressante que ça au niveau du physique, au point qu'elle soit pendu à mes lèvres? Non. Bon, on commence bien, elle se présente. Premier pas, reste à faire le deuxième. Et c'est à moi que revient la tâche. D'abord, je me détends. Bras croisés, respiration régulière, clignement des yeux. Un oeil. Fermé, ouvert. L'autre maintenant. Parfait. Mouvements de la nuque, je la fais tourner, se lever, se baisser. Rien à redire. Oh, désormais, je n'ai plus qu'à répondre. Assez dure activité. User de ma voix, ce n'est pas dans mes habitudes quand je suis avec un inconnu.
June? Pourquoi l'informer de mon prénom, après tout? Ce n'est qu'une appellation... On pourrait aussi me surnommer de pleins d'attributions. Mais je suis dans ma période de bonté.
Marion. Ou Chaerin, tout le monde préfère mon nom de famille.
Ce n'est pas toujours poli, oui, d'appeler quelqu'un par son nom de famille, plutôt insultant, même. Je m'en fiche, ce ne sont que des apparences, rien de plus.
Je devine que nous sommes colocataires.
J'allais ajouter qu'il faudrait qu'on se supporte mais je ne vais pas commencer avec mon caractère que certains qualifient d'arrogant. Ou prétentieux, mais au fond, ces deux mots sont des synonymes.