The end of the Escape. ◄Cass'

Heaven se dirigea vers le portail, encore perdue dans son petit monde à elle, pas si rose que ça. Étant passées devant les bâtiments, elle avait de nouveau été assaillie, même si l'effet était moindre. Sans jeter un regard à Cassiopée, elle passa le pas. Une sensation de liberté l'envahit, comme à chaque fois qu'elle passait par ici. Personne n'était venu les intercepter, à croire qu'ils s'en fichaient que les élèves traînent dehors. Peut-être. De toute façon, au pire, ceux qui sortaient n'iraient pas bien loin, rattrapés par le froid. Bon, geler sur place n'était pas vraiment en option. Toujours dans ses pensées, elle esquissa quelques pas hésitants sur une plaque de verglas. Elle ne savait même pas si sa compagne en matière d'école buissonnière l'avait suivie.

Heaven partit devant. Nous nous sommes dirigées dehors, sans un mot. Personne n'était survenu, ou sortit voir ce que faisaient deux élèves dans le froid mordant, au lieu de se trouver en cours. Elle esquissa quelques pas hésitants sur une plaque de verglas. Elle avait l'air renfermée, perdue dans son monde. Je lui faisais peur, ou quoi ? Nan, pas possible. Et puis elle entendait mes pensées. Merde, hein.

-T'es toujours comme ça ? lançais-je sans aucun tact.

Peut-être que, des fois, elle était joyeuse ? Non, ça m'étonnerait, et pas qu'un peu. Elle était introvertie, et c'était surement toujours comme ça.

Vous avez déjà essayé de faire du patin à glace sur une plaque de verglas ? Non ? Vous devriez. En public. Sinon, c'est pas marrant. À quoi bon se casser la gueule s'il n'y a personne pour s'en moquer ensuite ? Heaven allait en faire l'expérience. Mais pas tout de suite.

La voix de Cassiopée retentit, alors que la jeune fille n'y prêtait absolument plus attention. Ce qui était quand même un petit miracle en soi : elle avait réussi à faire abstraction de ses pensées.

Son pied gauche dérapa, en rencontra le bord de la plaque de verglas. Son pied droit dégagea vers l'avant.

Voilà. Maintenant, c'était bon.

Hébétée, elle renversa la tête en arrière, ce qui devait lui conférer un aspect assez... Étrange. Voire flippant. On aurait dit un hibou qui tournait la tête. Elle se fit la réflexion que qu'importe le sens qu'on avait en regardant le ciel, il était toujours aussi désespérément immense. Hé, ma grande, ça te dit tu redescends sur Terre ? Avec l'air du même hibou qu'on vient de faire tomber de son arbre en plein jour, elle pensa enfin à répondre. Penser que ça faisait mal, en revanche, c'était hors de sa portée.

Pardon ? Être comme ça... Comment ?

Très clair, comme d'habitude. Elle s'éclaircit la voix, avant de tenter de réexpliquer.

Je veux dire, je ne comprends pas vraiment ce que tu insinues par 'comme ça'.

Elle balança la tête en arrière, regardant béatement le ciel. Euh, OK. C'est un ciel, quoi. Elle répondit ensuite ;
-Pardon ? Être comme ça... Comment ?
J'allais répliquer, mais elle s'éclaircit la gorge en reprenant ;
-Je veux dire, je ne comprends pas vraiment ce que tu insinues par 'comme ça'. Donc ce n'était pas clair ? Je pensais, pourtant.
-Comme ça, comme maintenant, répondis-je en secouant légèrement la tête. Absente, muette. Renfermée, quoi.
Et moi, je manque toujours autant de tact. C'est beau de reprocher des choses aux gens, alors qu'on n'est même pas foutus d'appliquer ses propres remarques.

June dut juger que sa position n'était pas très pratique, ou sa nuque commença a lui rappeler que, non, même si ça l'aurait bien arrangée, elle n'était pas un oiseau. Nocturne, peut-être. Un peu pigeonne sur les bords. Mais les ailes ne risquaient pas de lui pousser. Elle se redressa, se releva, balayant les lambeaux de neige sur sa veste. Devant les paroles de Cassiopée, la plupart se seraient insurgés, du moins indignés. Mais non, elle semblait accueillir la critique le plus naturellement du monde.

Elle poussa un léger soupir, vague sourire aux lèves, fixant son interlocutrice dans les yeux.

Du plus loin que je me souvienne, ça a toujours été comme ça, oui.

Même si elle ne se jugeait totalement renfermée, disons que les humains lui avaient toujours donné une bonne raison de les éviter. Son sourire se fit étrangement plus sincère. Oh, ses commissures s'étaient relevées de deux bons millimètres, au moins. Pour tout dire, il devenait même un peu carnassier.

Dis, Cassy... Je peux savoir quelle est cette étrange sentiment de culpabilité qui émane de toi d'un coup ?

Heaven poussa un soupir, un petit sourire aux lèvres. Si on pouvait qualifier ça de sourire.
-Du plus loin que je me souvienne, ça a toujours été comme ça, oui.
Pauvre gamine, quoi. Si elle avait été comme ça durant son enfance...
Dis, Cassy... Je peux savoir quel est cet étrange sentiment de culpabilité qui émane de toi d'un coup ?
Culpabilité ? C'est ça, ouais. Son sourire se fit plus grand. Elle devenait flippante, là.
-Tu devrais le savoir, puisque tu es télépathe, non ? répondis-je le plus naturellement du monde.
Ou peut être pas. Enfin, pas à en juger sa question. En fait, je me demandais quel était son passé. Cette question passait en boucle dans ma tête. C'était forcément à cause de ça, qu'elle était renfermée, presque muette en temps normal, non ? A moins que ce soit juste que je ne lui prêtais aucune attention.

Sa voix était stable, mais sa mimique un rien crispé disait tout le contraire. Sans savoir pourquoi, le fait d'avoir tiré une grimace à Cassidy tira un petit rire de June, qu'elle étouffa du dos de la main. Rien que le fait de rire lui était étranger. Il fallait dire que ça ne lui était pas forcément souvent arrivé. Elle était en train d'avoir une conversation certes étrange, dans un endroit étrange, mais où, ô miracle, l'un des interlocuteurs arrivait à faire réagir l'autre. C'était déjà un immense progrès.

Pas vraiment, on aurait plus dit que tu te reprochais quelque chose. À moins que je me sois totalement trompée.

Ce n'était pas très important, au pire. Elle se demandait même pourquoi elle lui avait posé cette question. Entretenir la conversation n'était pas son fort, elle fit encore quelque pas dans la neige aux côtés de la jeune fille, sans but réel, avant de la regarder, à nouveau un peu plus grave. Enfin, une Heaven normale, quoi.

D'ailleurs, tant qu'on en parle. Je ne sais toujours pas quel est ton Don ?

Parce que contrairement à elle, Cassidy semblait avoir un pouvoir qui ne lui pourrissait pas la vie. Enfin, pas trop. Enfin, pas 24 heures sur 24, quoi.

Heaven étouffa un rire, avant de reprendre la parole ;

Pas vraiment, on aurait plus dit que tu te reprochais quelque chose. À moins que je me sois totalement trompée. D'ailleurs, tant qu'on en parle. Je ne sais toujours pas quel est ton Don ?

Pourquoi les gens voulaient-ils toujours savoir mon Don, hein ?

-Flashback, répondis-je avec un haussement d'épaules. Tant que j'évite le contact humain tout va bien, et heureusement, parce que sinon j'aurai fini comme un légume.

Déjà que voir le passé des gens lors des contacts était pas mal pénible, si en plus c'était continuel, je pense que je me serai tiré une balle.

Heaven reprit sa marche à côté de Cassidy, d'un pas tranquille, tout en l'écoutant. Effectivement, elle, son Don ne l'emmerdait pas jusque dans son sommeil... C'était elle, ou elle avait tiré le mauvais numéro dans cette loterie grotesque ? Une quelconque force supérieure avait trouvé que sa vie d'avant était trop heureuse et avait décidé de rétablir l'équilibre ?

Connasse de force supérieure.

Hm.

Et c'est tout. Elle n'avait rien à ajouter. Comme dit, June et le 'On se tape la discute ?', c'est pas vraiment vraiment de grands amis. D'ailleurs, elle était de nouveau perdue dans ses pensées. Légume, hein ? Ça collait bien à son cas. Sa bouche prit un pli amer. Oui, elle ne vivait plus, elle restait des heures enfermée dans sa chambre. Elle ne supportait même plus la foule. June, légume ? Très certainement. Elle recueillit un flocon solitaire sur son index, avant de le regarder disparaître.

L'état de presque végétation d'Heaven m'agaçait au plus au point. Je finis par l'attraper par les épaules, afin de la secouer violemment. Comment ça, j'étais encore mal placée ? N'importe quoi !

-T'sais, j'ai pas habitude de discuter avec des légumes, ai-je lâché.

J'avais pas dit ça méchamment, non. Juste... Brusquement. Au pire, c'est pas comme si elle était dans mon bunker, pas vrai ? Même si elle pouvait être sympa, je haïssais le silence.

-C'est pas contre toi, hein.

J'avais rien de mieux à dire. Ou peut être merci ? J'enfonçais mes mains dans les poches de mon blouson. Avant d'en relever une en tournant des talons.

-A la revoyure, lançais-je en m'éloignant.