Oh-hé, lost in the sea. ♫ ◄ALEKS'

Quand j’ai mal, j’oublie. J’essaie. Je cours. Je tombe. Je souffre. Je crie. Je me relève. Je pleure. Je continue. Je me perds. J’ai froid. J’ai peur. J’ai soif. J’ai faim. Je tends le bras devant moi. Je referme ma main dans le vide. Tu t’échappes. Ton image s’efface. Je retombe, cette fois à genoux. Je prends le visage entre les mains. Je suis impuissante. Je pleure. Je veux pleurer. Je n’ai plus de larmes. Je me roule par terre. J'ai l'impression d'être un animal. J’ai de la boue sur le visage. De la terre dans les cheveux. Je veux partir, loin d’ici. Je me relève. Je vacille. Mes jambes n’arrivent pas à porter mon poids. Le monde autour de moi devient flou.

Je me réveille. Je crois. Je suis épuisée. Je veux voir tes yeux, toi, bien que je n’y crois plus. Es-tu seulement réelle ? Je veux des choses, je ne sais plus quoi. Ma réaction est exagérée, je le sens. Mais j'ai mal. Je me redresse tant bien que mal, bien que mes muscles protestent. Un pas devant l'autre. Là. Doucement. Adosse-toi à cette arbre. Remets tes vêtements. Je remarque des longues griffures sur mon corps, encore saignantes. Est-ce de la faute à ma course effrénée dans les bois ? Où me suis-je moi-même mutilée ? Je n’ai pas de réponse. Je sens la crise d'angoisse revenir. Je souffle. Inspiration, expiration. Je mets un pied devant l'autre.

Direction, Bunker, salle de bain. Personne ne doit me voir dans cet état. Personne. Mes pieds me font souffrir. Je constate que mes chaussures ne sont plus que des lambeaux, comme les vêtements que je porte. Encore un pas. Deux. Trois. Une dizaine. Une centaine. Un millier, peut-être. Cela me semble durer des heures. Enfin, je vois le bunker B-1. Les lumières sont éteintes. Je rentre dedans. Je suis seule. Je prends une douche glacée. Je pince les lèvres tant c'est désagréable. Mais je sais que je ne sortirais pas d'ici tant que je n'aurais pas repris le contrôle de moi-même. Je sors. Je me sèche. Je passe un coup de brosse dans mes cheveux. Je regarde mon reflet dans le miroir : C'est pire que ce que je croyais. Même en passant mes blessures sur tout mon corps, surtout sur le visage, les cernes et les yeux gonflés et rouges que j'ai ne mente pas. Je sors de la pièce. Je jette mes vêtements, en prend des nouveaux. Je ne m'attarde pas ici, je veux reprendre l'air. Je quitte le bunker.

Et je vois. Je la vois. Je m'approche doucement, touche son visage du bon des doigts. Elle est vraie, c'est une personne en chair et en os. Je retire ma main, comme si je m'étais brûlée. Dis... Je crois que je t'aime.

La douleur augmente quand je vois la surprise dans les yeux de Heaven. Je n’arrive plus à contrôler mes réactions. Je ne peux donc rien faire quand tout mon corps commence à trembler, que les larmes roulent sur mes joues et que je m’écroule dans ses bras, à bouts de force. Je n’ai plus eu la force de lutter, et je me retrouve, faible, en train de sangloter contre cette fille, dont j’ai l’impression d’être dépendante. Je crois que le pire, dans cette histoire, si on passe la souffrance, c’est de savoir qu’elle peut lire toutes mes pensées. Je ressens ça comme une intrusion dans mon intimité, mais, est-elle réellement coupable ? Son don, elle ne l’a pas choisi, il lui a été imposé, comme à nous tous, d’ailleurs. Certains ont eu moins de chance que les autres.

Son bras agrippe toujours le mien. Mes doigts cherchent les siens, les frôlent, les pressent doucement. Je ne sais même pas ce que je veux. Je n’arrive même pas à comprendre ce que je suis en train de faire. Je joue avec le feu. La dernière fois, j’avais fui car je n’arrivais pas à assumer le baiser que je lui avais volé, non ? Je me mords les lèvres, les faisant saigner. Ce n’est qu’une blessure de plus, après tout. Ne pas hurler, pour briser le silence qui s’installe. La scène est assez bizarre sans rajouter ma folie naissante. Tout me glisse entre les mains, je ne sais plus ce je veux. Je ne peux pas partir, je ne peux plus être lâche. Heaven semble figée. Je pose ma tête sur son épaule, toujours en tremblant. Mes larmes se perdent dans ses cheveux. Je profite de ces quelques instants. Car tout cela allait finir par e terminer. Sans doute la jeune femme allait me repousser, en me demandant ce que je suis en train de faire, ou pire, me scruter avec ce regard si difficile à décrypter.

Le silence devient de plus en plus horrible. Il faut que je fasse quelque chose. M’excuser ? Si elle lisait dans mes pensées, elle devait savoir que je ne pourrais jamais être plus désolée qu’à ce moment-là. Le rythme de mon cœur ralentit, au fur et à mesure que mes larmes se tarissaient. Fais quelque chose, avais-je envie de la supplier. Moi, je suis perdue, je ne comprends pas ce que je ressens, ce que je suis en train de faire, pourquoi tu habites mes pensées pourquoi je suis dans cet état à cause de toi. L'impression d'être dans une impasse...

Je veux retenir ses mains, mais tout se passe trop rapidement pour que je puisse réagir. Je crois que je n'ai pas envie de comprendre le message qu'elle essaye de me faire passer. Mes tremblements s'accentuent. Oh, amour, pourquoi es-tu si cruel ? Jamais je n'ai été aussi dépendante de quelqu'un qu'à ce moment là. Normalement, c'est facile, on n'a pas le temps de s'attacher que tout est déjà fini. Habituellement, la passion ne ravage pas le cœur en quelques jours à peine. Une mèche de mes cheveux tombe lamentablement devant mes yeux, mais je suis trop occupée à souffrir que je ne m'en rends pas compte.

Quand sa tête touche mon épaule, je frémis. Elle me repousse pour revenir juste après ? Je respire de plus en plus fort, essayant tant bien que mal de cacher mon désarroi. Mes yeux se remplissent de larmes une nouvelle fois. Je l'attrape doucement par les épaules et l'éloigne de quelques centimètres. Je contemple son visage, où je peux voir glisser une larme. Qui sommes-nous, pauvres mortelles, pour comprendre ce qui nous arrive ?

Je prends délicatement son menton entre une de mes mains, et me plonge mon regard dans ses yeux. Comment ai-je pu douter ? Mes lèvres se posent sur les siennes, et timidement, je presse un peu plus mon corps contre elle. Ce que je suis en train de faire ? Je ne le sais pas moi même. Je n'ai pas envie de répondre à ta question. Ça me fait peur.

Je la sens trembler et faire mine de reculer. Le désespoir m’envahit. Non, ne me laisse pas. Je le sais maintenant, j'ai besoin de toi. Au moins pendant cet instant. Ne soit pas aussi lâche que moi la dernière fois, ne pars pas avant la fin de ce baiser. S'il te plait.

Ce baiser... Comment le décrire ? Tant de désespoir était passé qu'il était dur d'affirmer qu''il avait été agréable. J'étais trop perdue dans le flot de sensations pour réussir à penser correctement.

- Je ne sais pas...

Ou alors voudrais-tu que je te mente ? Oh non, j'en suis incapable, encore moins dans cette position, mon corps pressé contre le tien, une main appuyée contre le mur, ton souffle balayant mon visage, et puis tes lèvres, si proches des miennes mais qui me paraissent de nouveau si inaccessible...

- Je...Je t'ai regardée...

Où était passé l'assurance que j'avais devant les autres personnes ? Où était cette armure que j'avais érigé de mon cœur, pour m'empêcher d'aimer à nouveau ? Pourquoi ai-je oublié à quel point ça fait mal ? Pourquoi n'ai-je pas encore compris que ce à quoi je m'attache peut m'être arraché à tout moment ? Je suis une idiote. Continuer à croire en la vie, au fait qu'elle puisse bien se dérouler, était de la folie. Surtout après ce que j'ai pu vivre, là-bas, en Russie. Mes yeux se remplissent de larmes, et la rage commence à monter. Je me suis affaiblie. Trop.

Ma raison voudrait que je m'enfuie, mais ma volonté a disparu quand j'ai croisé ces deux yeux d'une couleur si particulière. Et puis je ne peux pas partir, pas comme dans la dernière fois, pas à ce moment si critique. Mes tremblements reviennent, au fur et à mesure que le stress augmente. J'ai peur, maintenant.